Je viens de lire la série de twitts de morgan_it, qui commence ici sur le repli communautaire de la génération Y (soit les gens qui sont nés entre 1977 et 1995). Et j’y ai un peu réfléchi.
Chaque génération crée ses communautés
Premièrement, pour qu’il y ai un repli communautaire, il faut déjà qu’il y ait eu une phase d’ouverture vers l’extérieur. Cette phase, si elle existe, aurait eu lieu durant les deux générations précédentes (génération X, 1959-1977, et génération baby-boom, 1943-1959). Or pour moi, cette phase, plus qu’une phase d’ouverture, est plutôt une phase de destruction des anciennes communautés. Durant cette période, le village est détruit pour laisser place à la ville : par l’exode rural, des gens qui ont vécu dans de petits villages se retrouvent dans des grandes villes. Cela entraîne la disparition de certains rituels communautaires, par exemple la messe le dimanche (ce qui provoque le recul de l’église, qui perds l’une de ses raisons premières : rassembler une communauté).
Mais l’homme est un animal de meute (oui, je pousse un peu plus loin l’expression d’Aristote « l’homme est un animal social »). La perte de la communauté villageoise détruit la meute. La génération du baby-boom se doit de retrouver, sinon une meute, au moins un groupe. Et c’est dans l’engagement politique que cette génération va reconstruire des communautés. On aura les libertaires, les féministes, les gauchistes (de toutes les mouvances possibles et inimaginables…), les hippies… Néanmoins, ces engagements politiques vont se heurter à la réalité (et oui, tout n’est ni tout blanc, ni tout noir) : mouvements violents d’extrême gauche, crimes des régimes soi-disant communistes, SIDA, plafond de verre…
La génération suivante (la génération X) rejette alors l’action politique strictement politique, et va tenter de se fédérer par des grandes actions associatives : marche des beurs, concert Band Aid, resto du coeur… Là encore, de nouvelles communautés se forment. On peut noter que cette génération est également la génération de la « crise », ce qui peut également la pousser non pas à réclamer (ce que faisait la génération précédente) mais à sauvegarder (d’où un élan vers des actions solidaires). Mais au final, l’effet est le même, des communautés se forment.
Enfin on arrive à la génération Y (la mienne ^_^). Là encore, cette génération va voir l’échec (relatif) de la génération précédente : émeutes en banlieue (1991), associations débordées par la demande (les restos du coeur), dirigeants de ces mêmes associations qui ne sont pas des saints (Bernard Kouchner, Julien Dray…). Et cette génération forme alors de nouvelles communautés.
Ce qui est intéressant avec ces nouvelles communautés, c’est que d’une part, et contrairement aux communautés des deux générations précédentes, ces communautés ne se fondent plus sur une vision de la société ou sur un rêve commun mais sur des passions communes. Et que d’autre part, et en continuité avec les grands mouvements des année 1970 et 1980, ces communautés sont mondiales.
En fait ces nouvelles communautés sont très étranges à décrire car elles sont à la fois locales (le groupe d’amis/de passionnés proche) et mondiales (grâce à internet). Par exemple je suis un passionné de skateboard. D’une part j’ai mon petit groupe d’amis avec qui je fais du skate. Et d’autre part je regarde des vidéos de skate tournées aux États-Unis, je discute sur des réseaux sociaux avec des gens qui aiment le skate…
Au final, en trois générations, on est passé de communautés qui se définissaient par le territoire (le village, et on n’aime pas le village d’à coté) à des communautés qui se définissent par leur passion (par exemple les skateurs, et on n’aime pas les rappeurs –> oui, c’est un peu caricatural).
Les conséquence des communautés de la génération Y
D’une part, mais c’est dans la nature des relations entre générations, ces communautés sont méprisés par la génération précédentes « ces jeunes sont renfermés sur eux même et ne s’intéressent pas aux problèmes du monde ». On a eu la même chose sur la génération X « ces jeunes ne s’intéressent pas à la politique » et sur la génération du baby-boom « ces jeunes ne connaissent pas la dureté de la vie, et ils font les malins en faisant de grands discours politiques ». Et inversement. La nouvelle génération Y dit à l’ancienne « tes associations c’est bien joli mais ça n’a pas été très efficace ». Comme la génération X a dit aux baby-boomers « le rêve politique c’est bien joli mais cela a provoqué beaucoup de massacres et d’attentats ». Et comme les baby-boomers ont dit à la génération d’avant « pouvoir consommer c’est bien joli mais c’est un peu vide non ? »
À noter, on peut voir cette lutte entre générations dans le domaine des logiciels libres et de l’open source dans l’opposition entre la vision de Richard Stallman (génération baby-boom), plus politique, et la vision de Linus Torvalds (génération X), que nous dirons plus pragmatique.
D’autre part, les communautés de la génération Y vont bientôt atteindre leurs limites. C’est à dire que c’est bien joli d’avoir son petit groupe de passionnés de musique électronique des années 1978-1981, de faire des festivals, de participer à des conférences, mais pendant ce temps, on a un gouvernement qui vote des choses en notre nom. Cette conscience a commencé à se réveiller chez la jeune génération notamment avec le débat sur Hadopi. Mais ce n’est pas gagné : la catégorie de population qui s’est le plus abstenue aux élections européennes de 2009, ce sont les 18-35 ans, soit… La génération Y.
Conclusion
L’homme est un animal qui se sent bien dans une communauté relativement restreinte (« meute ») et tout homme finit par se retrouver dans une communauté restreinte. C’est pourquoi il n’y a pas de repli communautaire d’une génération par rapport à une autre, juste la création de nouvelles communautés, différentes de celles de la génération précédente. Chaque génération crée ses propres communautés, avec leurs avancées et avantages, et leurs limites. Limites que la génération suivante tente de dépasser en créant de nouvelles communautés.